Prier pour la France ?

Prier pour la France ? Quelle idée ! Est-ce du chauvinisme ? De la récupération politique ? Rien de tout cela ! C’est assumer notre identité nationale. C’est entrer dans la prière de Jésus pour l’unité et la réconciliation. C’est appeler sur notre pays les grâces que Dieu veut répandre sur lui. C’est une démarche d’espérance qui engage notre vie.

L’invitation à prier pour la France provoque des réactions très variées. Il est important de comprendre ces réactions si nous voulons l’adhésion du plus grand nombre à cette prière. Pour cela il nous faut clarifier notre propre démarche afin de pouvoir en témoigner en vérité. Cette réflexion nous mène au cœur de notre foi et de notre espérance en Christ.

Une prière d’intercession

Quelle compréhension avons-nous de la prière d’intercession ? L’objectif le plus profond de la prière est la quête de Dieu: chercher à le connaître, l’adorer, le contempler, s’unir à lui. Et pourtant Jésus, dans ses dernières paroles dit à ses disciples: «Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom. Demandez et vous recevrez afin que votre joie soit parfaite » [1]. Cette insistance de Jésus sur la prière de demande peut surprendre, il dit encore : «Quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, et l’on ouvre à qui frappe » [2]. N’ayons crainte, Jésus, si nous prions en son Nom, conduira notre demande afin qu’elle trouve son vrai désir.

Élargir notre prière

L’Évangile est une Bonne Nouvelle annoncée dans la chair humaine. Jésus nous révèle que le désir de Dieu est de combler et de dépasser toutes nos attentes et tous nos cris. C’est un fait d’expérience que nos prières les plus spontanées sont liées à la santé, à la justice, à la réconciliation, à la liberté, à la paix, à l’amour. Nous prions ainsi pour nos proches, nos familles, nos groupes. Et pourquoi pas pour nos villes, pour notre pays, pour le monde ? C’est toute notre réalité incarnée qui, en chacune de ses facettes, (économie, politique, culture, science) … est appelée à se laisser illuminer par la victoire du Christ sur la mort. Pourquoi notre prière, n’ose-t-elle pas exprimer son désir le plus profond: l’attente et la proclamation anticipée de la venue, en ce monde enténébré, du Christ en Gloire et la pleine manifestation de son Règne ? Ce qui commence par sa venue en nous-mêmes : « Combien à plus forte raison le Père céleste donnera-t-il le saint Esprit à ceux qui le lui demandent » [3].

Assumer notre histoire nationale

Comment percevons-nous la France, le fait d’être Français ? Être nés Français, cela ne dépend pas de notre choix. En parler la langue, en acquérir la culture, aimer ce pays, ses grands hommes, ses saints, cela s’apprend. Mais de même qu’il dépend de nous d’assumer pleinement notre histoire personnelle et familiale, c’est un choix de notre part que d’assumer notre histoire nationale, brassée par les luttes internes, les guerres, (dont les plus récentes liées au nationalisme et au colonialisme peuvent nous avoir profondément blessés), et par les idéologies de toutes sortes. En tant que chrétiens de France, nous avons aussi été marqués – parfois jusqu’au sang – par des tensions et conflits entre nous, de divers courants, de diverses églises, ainsi que dans nos rapports avec d’autres religions, ou avec des incroyants, et dans notre rapport avec l’État (ou avec Rome). Les grands événements fondateurs de notre identité collective ont toujours eu un prix. Qui nous aidera à faire une relecture commune et constructive de notre histoire, sans non-dits et en écoutant les plus humbles ?

Un devoir d’incarnation

Nous accepter aujourd’hui, tels que nous sommes, Français, chrétiens, avec toute la diversité qui est présente sous ces termes n’est pas une situation qui va de soi, c’est un choix et une responsabilité. Il s’agit de la pleine acceptation de notre condition d’êtres incarnés et d’êtres sauvés en Christ. On parle souvent du devoir de voter, afin de marquer notre adhésion à la république, à la démocratie. En tant que chrétiens il nous faut oser parler aussi des « devoirs » (n’est-ce pas des grâces) de dialogue, de pardon, de réconciliation, qui fondent la fraternité, la liberté et l’égalité entre personnes et entre groupes. Aborder ces questions nous amène au seuil de la prière, car sans reconnaître l’infini qui est en chaque homme, sans y voir le Christ, nous ne pouvons nous regarder en frères. Certes il nous faut prier pour le monde entier, mais en laissant venir à la lumière du Christ toutes nos racines, y compris notre racine nationale.

L’exemple du Christ

Nous pourrions avec grand profit relire l’exemple de l’intercession d’Abraham pour Sodome [4], de Moïse [5] et des prophètes pour le peuple d’Israël. Mais allons directement à la vie et à la mission de Jésus, lui qui est la révélation que Dieu fait de lui-même et de son projet pour nous. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. En effet Dieu n’a pas envoyé son fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » [6].

Depuis le commencement, depuis le baptême proposé par Jean, où Jésus descend dans l’eau comme un agneau qui se livre et prend sur lui les péchés d’Israël, jusqu’à son de baptême de feu à la croix, alors que monte sur lui la pression afin qu’il manifeste sa puissance de juge, Jésus ne fera que dire : « Père pardonne leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » [7]. Certes par toute sa vie et sa Parole il a interpellé avec vigueur, afin de faire la vérité [8], afin de rassembler les tribus dispersées d’Israël [9] et de faire la lumière sur toutes ténèbres, d’être lumière pour les nations. Mais jamais il n’a eu d’autre attitude que de chercher à sauver les brebis perdues.

La prière de l’Église, des saints et des martyrs

Nous connaissons la parole de Jésus à ceux qui l’interpellent sur l’impôt à payer à César : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Mais ces paroles ne veulent pas dire que nous ayons à nous situer hors de la société dans laquelle nous vivons et où sont nos racines. De tout temps les chrétiens ont prié pour que toutes les autorités exercent leurs responsabilités avec justice et en vue du bien commun [10]. Cette prière qui trouve place dans la prière universelle de l’Eucharistie dominicale peut être perçue comme une recherche d’ordre et de sécurité. Elle prend d’autres accents lorsque des chrétiens sont opprimés pour leur foi et leur témoignage de vie. Il y a trois décennies le pape Jean-Paul II nous interpellait : « France qu’as-tu fait de ton baptême ? ». Notre baptême dans le Christ nous amène à vivre, avec Lui et en Lui, l’intercession pour le monde dans lequel nous vivons. En fait, il s’agit de vivre jusqu’au bout notre identification à Christ. « Veillez et priez en tout temps afin que vous ayez la force d’échapper à toutes ces choses qui arriveront, et de paraître debout devant le Fils de l’homme » [11]. Ce combat de la prière a lieu à la profondeur de notre submersion par le mal et de notre foi constante en la victoire du Christ qui fait de nous ses témoins au cœur des ténèbres de ce monde.

Intercéder pour la France, avec d’autres

Notre histoire personnelle et nationale peut nous avoir conduits à avoir été blessés, à être devenus indifférents, à fuir ou à combattre vivement certains maux et vices, façons de vivre et de penser, adoptés par certains groupes de nos concitoyens. Nous croyons pouvoir, pour nous mêmes et notre groupe au moins, éviter le mal, et décider de faire le bien. Mais notre incapacité de prier et de dialoguer avec d’autres et d’autres groupes nous révèle notre aveuglement. Dans la tradition biblique, il faut que 10 hommes se réunissent pour qu’une prière soit «publique ». La prière des Douze que Jésus a choisi est celle de tout Israël, c’est une prière puissante. Accepter de nous réunir avec des personnes venant de divers horizons, frères de confessions chrétiennes séparées et juifs croyants en Jésus, pour une assemblée de prière pour la France, ouverte à l’action du Christ en nous, est une décision qui engage. Prier pour la France au nom de Jésus, le faire en « Esprit et en vérité » [12], en particulier en laissant agir les charismes prophétiques de façon à prier selon le désir de Dieu pour notre pays, c’est avancer sur un chemin de guérison, de pardon, de réconciliation dont nous ne pouvons mesurer l’importance sans l’avoir vécu (Cf cette année à Saint Laurent). C’est apprendre à ne pas juger les hommes, mais à devenir témoins de l’Amour du Père pour les pécheurs. C’est suivre le Christ en son baptême d’eau et de feu. Il suffit de commencer à deux ou trois, et de laisser le Seigneur élargir le cercle. Si nous le faisons le feu ne pourra que se répandre et préparer notre pays à la venue du Seigneur dans la Gloire.

[1] Jean 16,24

[2] Luc 11,10

[3] Luc 11, 13

[4] Gn 18, 16 et suivants

[5] Exode 32, 30-35

[6] Jean 3,16-17

[7] Luc 23,34

[8] Jn 12,47

[9] Mt 23,37

[10] 1 Timothée, 2, 1-2

[11] Luc 21,36

[12] Jn 4,23

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